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Playlist “Ordinary Whore | “Putain Ordinaire” | “Eine ganz normale Hure”

Marc Laforge, main character of my new novel “Ordinary Whore”, has a thing for music. Just as I have. That’s why there’s quite a lot of music in the novel, and I thought you light want to check out which songs and tunes Marc is listening to… Here you are.

Marc Laforge, le protagoniste de mon nouveau roman “Putain Ordinaire”, a un truc avec la musique. Juste comme moi. C’est la raison pour laquelle il y a beaucoup de morceaux musicaux dans le livre, et je me suis dit que ça vous amuserait peut-être d’écouter cette espèce de B.O. de Marc… La voici donc.

Marc Laforge, die Hauptfigur in meinem neuen Roman “Eine ganz normale Hure”, hat was mit Musik. Genau so wie ich. Deshalb kommt Musik in dem Buch auch so oft vor, und ich hab mir gedacht, dass es euch vielleicht interessiert, was Marc sich so anhört… Hier also die Playliste.

Avant-première “Putain ordinaire” – extrait

putain ordinaire
roman
Dieter Moitzi

L’eau encore noire m’accepte comme un vieil ami. Elle est tiède et confortable.

Ensuite, je m’assois sur la plage, tremblant de froid pendant qu’un zéphyr timide sèche ma peau. Je me sens vivant et en paix dans ce petit courant d’air.

Mes dents claquent tellement que je n’entends pas les pas discrets sur le sable. Je sursaute quand quelqu’un passe une serviette de bain sur mes épaules.

Rachid, le jeune homme que j’ai recruté il y a quelques heures, se tient derrière moi. Il est vêtu de blanc. « Désolé ! Je ne voulais pas vous effrayer. Mais je vous ai vu frissonner, alors j’ai pensé que vous pourriez avoir besoin de ça », dit-il d’un air gêné. Il ramasse la serviette, qui a glissé par terre lorsque je me suis levé. Il la drape à nouveau sur moi et me frotte les bras.

Je recule pour le regarder, étourdi. « Tout va bien », dis-je enfin. « Vous m’avez fait peur. Mais tout va bien maintenant. Et merci pour la serviette. » Je me laisse retomber sur le sol.

Rachid me regarde, ne sachant que faire.

« Allez », je tapote le sable à côté de moi. « Asseyez-vous.

— Je pensais que vous vouliez être seul.

— Même si vous restez avec moi, je me sentirai seul », je murmure. Puis, plus fort : « Je n’ai rien contre votre compagnie. Allez, asseyez-vous. »

Il obéit.

Nous regardons l’horizon au loin, au-dessus de la mer, où la faible lumière du matin augmente presque imperceptiblement. Un silence confortable s’installe entre nous.

Il le rompt au bout d’un moment. « Vous avez encore froid », murmure-t-il. « Vous ne voulez pas vous habiller ?

— Mes vêtements sont dans ma chambre », je réponds dans un murmure, veillant à ne pas détruire la magie de cette heure matinale.

Rachid réfléchit. « Voulez-vous que nous… fassions l’amour ? » demande-t-il. « Ça vous réchauffera. »

Pris au dépourvu, je le regarde. Puis, je comprends. Bien sûr, c’est ce qu’il est censé proposer. « Non », dis-je. « Non, je ne veux pas… comment vous dites, déjà ? Faire l’amour ? Non, franchement, non. » Je souris. « Merci quand même.

— Vous ne devriez pas rester ici », marmonne Rachid. Il commence à enfouir une main dans le sable, puis la soulève. Les grains coulent doucement entre ses doigts minces et bronzés.

« Quoi ? » je demande. Pendant une seconde, j’ai cru que c’était un autre de ces étranges avertissements que j’ai reçus.

« Vous ne devriez pas rester ici. Vous allez attraper froid », explique-t-il.

« Hm », dis-je. « Viens par là. » Je le tire vers moi. « Mets ton bras autour de moi. Ça me réchauffera. »

Il se blottit contre moi et me prends dans son bras. Je sens sa chaleur corporelle, son souffle sur mon cou. Ce câlin est agréable, presque maternel.

« Monsieur ? » demande Rachid. « Je me demandais…

— Appelle-moi Marc. Qu’est-ce que tu veux savoir ?

— Oh non. Je ne peux pas vous demander ça.

— Oui, tu peux. N’aie pas peur.

— Mais… vous êtes mon patron.

— Bon Dieu, non ! Michele est ton patron. Peut-être que tu me considères un peu plus haut dans la chaîne alimentaire, mais je ne pense pas que je le sois. Nous sommes collègues, d’une manière ou d’une autre. Alors, vas-y, dis-moi ce qui te tracasse.

Il réfléchit à cela. Puis : « Je pensais que vous étiez… le mari de Madame Di Forzone ? »

J’étouffe un rire. « Pas du tout ! Elle me paie pour mes… euh, mes services. Tout comme tu seras payé, tu vois ?

— Vraiment ? Mais avec votre physique, vous n’avez pas besoin de… Je veux dire, pourquoi faites-vous ça ?

— T’as besoin d’argent pour vivre. Moi aussi.

— Mais… mais vous êtes Français. Il y a sûrement d’autres emplois pour vous en France. » Rachid secoue la tête, incrédule.

« Sûrement, oui. Mais celui-ci me convient.

— Comment avez-vous… atterri dans tout ça ?

— Par chance. Par la vie. J’avais le choix : putain, ou criminel, ou politicien. Ce qui est plus ou moins la même chose, de toute façon. Mon père était un politicien, tu vois, et je n’ai jamais voulu devenir comme lui.

— D’accord. Je vois », ment Rachid. Il me regarde, un jeune homme vulnérable qui me fait penser au Man with the Child in his Eyes de Kate Bush.

« Hé », je propose. « Et si on allait nager, d’accord ? » Je saute à nouveau sur mes pieds. La serviette glisse par terre comme un voile. Tout vaut mieux que de discuter mon sort. Pire encore, Rachid m’a montré la partie indemne et innocente de lui. Je ne veux pas être touché par ses yeux vulnérables, ses questions pertinentes. « Allez. » Je l’aide à se lever. « Et enlève-moi ça ! » Je tire sur ses vêtements.

Rachid se déshabille. Son corps jeune et charmant brille dans la lumière du petit matin. Il me fait un sourire narquois.

Je lui donne une tape sur les fesses, puis je pars en courant.

« Ça, tu vas me le payer ! » s’écrie-t-il en souriant et me court après.

Nous nous jetons dans les douces vagues, glorieusement nus, hurlant, nous éclaboussant, deux enfants espiègles, deux garçons intacts et pas encore souillés par la vie, tandis que le soleil se lève à l’horizon.

Coup de projecteur… sur le Club Littéraire du Marais

© Adobestock

Le Club littéraire du Marais, dont je suis membre depuis un an quasiment, est un salon littéraire dont la mission est de rassembler et de fédérer des actrices et acteurs de la littérature LGBTQ+, que ce soient des écrivain(e)s, scénaristes, poètes, éditrices et éditeurs, journalistes et critiques littéraires etc., francophones, anglophones, de tout horizon. Nous voulons être un espace de rencontre, de discussion, de partage et de support mutuel, avec pour but une meilleure visibilité de ce genre littéraire qui nous est chère, la littérature LGBTQ+.

En temps normal – c’est-à-dire, hors confinement –, nous nous rassemblons une fois par mois dans L’imprévu Café à Paris, chaque deuxième mardi à 19h, pour discuter dans une ambiance conviviale autour d’un verre. Nous avons déjà accueilli plusieurs invités qui nous ont parlé de leurs expériences : des auteur(e)s, des critiques littéraires, etc. Nous demandons à nos membres de nous parler de leurs travaux en cours ; nous débattons de nouveaux projets pour le Club. Nous sommes présents lors de manifestations telles que le Salon du livre gay ou la cérémonie du Prix du roman gay.

Nous disposons de notre propre site web, qui décrit notre mission et publie les contributions de nos membres. À ce jour, dans la rubrique News, vous pouvez lire par exemple des interviews, des poèmes, des essais, même voir des photos. Dans la rubrique Membres, l’on trouve les dernières infos de nos membres. Une fois par mois, nous envoyons une Newsletter aux membres qui se sont inscrit(e)s pour présenter les nouveautés des uns et des autres (nouvelles parutions, critiques, projets, etc.) et pour parler des ajouts au site web.

Nous sommes en train de réfléchir activement au lancement d’une revue littéraire, en format digital pour le moment, d’une périodicité encore à décider.

Comme je l’ai raconté dans un article sur livresgay, moi et mon chéri, nous avons été invités à parler de livresgay début mars 2020, et nous avons accepté avec joie. C’est suite à cette soirée, où nous avons discuté à batons rompus avec les autres membres du Club dans une ambiance très sympathique, que nous avons rejoint le Club. Comme par la suite le premier confinement est tombé, suivi des vacances d’été, nous n’avons pas pu participer à d’autres réunions avant le mois de septembre puisqu’elles ont toutes dû être annulées. Mais j’ai aidé aidé à mettre en place la Newsletter – être graphiste peut être utile – et à trouver d’autres écrivain(e)s potentiellement intéressé(e)s à rejoindre le Club. En novembre, j’ai soumis un poème inédit que j’avais écrit en anglais voilà un petit moment et traduit en français pour l’occasion. Et depuis, je contribue à la réflexion au sujet de la revue littéraire tout en essayant de trouver de nouvelles contributions au site.

© Adobestock

Telle pourrait être, formulée de façon désinvolte, notre devise. Ou en d’autres termes, plus on est nombreux, plus on est fort, plus on est visible. Alors, pourquoi ne vous joindriez-vous pas à nous, soit en tant que membre, soit en tant que contributeur/contributrice ? Nous avons tous, dans nos tiroirs, ce poème que nous n’avons jamais eu l’occasion de publier, ce petit bout de texte, ce fragment, ce dialogue que nous n’avons pas réussi à caser dans un de nos ouvrages, cet essai que nous avons commencé puis interrompu en nous disant que personne ne voudra le lire, ces notes oubliées concernant un livre que nous avons aimé, ce récit de voyage, cette mémoire habillée en paroles, ce témoignage personnel.

Si tel est votre cas aussi, alors ressortez-les, ces bribes d’écriture, ces passages de texte que vous auriez toujours voulu voir publiés sans savoir comment faire. Ressortez-les, finalisez-les, peaufinez-les – et envoyez-les-nous ! Ils auront leur place dans un premier temps sur notre site web, puis, une fois que la revue verra le jour, dans celle-ci.

Poem / poème

Feeling honoured—one of my as of yet unpublished poems has been published on the website of the Club littéraire du Marais (in English and French) | Très honoré – un de mes poèmes pas encore publiés a été mis en ligne sur le site du Club littéraire du Marais (en anglais et français)

Discover it on | Découvrez-le sur

https://literarymarais.com/news/poem-sinking-feeling

On parle de mes livres…

Ah, ça fait drôle… ça fait drôle de se rendre compte que des lecteurs/lectrices parlent de mes livres. Bien sûr, j’ai déjà vu les commentaires parus sur amazon, et j’en suis fier, flatté et honoré. Mais on en parle aussi ailleurs, on échange ses opinions, on discute. J’avoue que j’ai parcouru ces échanges le cœur palpitant et la tête un peu rosi. Mais je mentirais si je disais que ça ne m’avait pas fait énormément plaisir.

Voici les deux discussions que j’ai trouvées sur le site Un mix de plaisirs:

http://mixdeplaisirs.forumactif.org/t6668-les-enquetes-de-damien-drechsler-t1-le-cercueil-farci-dieter-moitzi

http://mixdeplaisirs.forumactif.org/t6667-poireaut-di-angeli-t1-jusqu-a-ce-que-la-mort-nous-separe-dieter-moitzi

La vanité… que voulez-vous, on ne se refait pas!

“Jusqu’à ce que la mort nous sépare”

Chers amis, chères amies, comme annoncé, mon nouveau roman Jusqu’à ce que la mort nous sépare sortira le 30 avril 2020. Je me suis dit qu’en ces temps difficiles et parfois même moroses, vous aimeriez peut-être avoir un premier petit aperçu, comme un avant-goût de cette nouvelle histoire.

Je me permets donc de publier ci-après les premiers paragraphes de ce nouvel opus, en espérant que ça vous mettra l’eau à la bouche. N’hésitez pas à me laisser des commentaires pour me dire ce que vous en pensez…

Le livre est d’ailleurs déjà disponible sur Amazon et sur Kobo !

***

Petit inventaire. Un : je suis en vie, ce qui veut dire que l’avion ne s’est pas crashé. Bon point. Deux : je suis crevé comme pas permis. Moins bien, mais ça reste quand même dans les normes – je me couche rarement avant cette heure-ci.

Trois : le lit. Attendez, je rebondis un coup pour voir. Okay ; le lit est pas mal. Ferme, sans être du béton armé, propre et pas trop vilain, malgré un style, euh… indéfinissable, dirons-nous. Un peu défraîchi et suranné, quoi, comme le reste du bateau.

Ah, oui. Scoop. Je ne suis pas chez moi, dans mon lit. Non, je suis sur un bateau. Le Queen of Egypt, plus précisément. EN-FIN ! ai-je envie de soupirer. Ça fait des semaines que Tata ne me parle que de ça. Le Queen of Egypt par-ci, le Queen of Egypt par-là ; je n’en pouvais plus. Tata, quand elle a quelque chose dans la tête, est comme un disque rayé. Ça tourne, hop, ça recommence ; ça tourne, hop, ça recommence. À se taper la tête contre un mur.

Enfin. En gros, tout va bien, donc. En vie, en vacances, couché sur un lit confortable. Mon corps entier gémit : “Dodo !” En effet, un petit somme serait une bonne idée, genre une heure ou deux. Mine de rien, il n’est que quatre heures du matin, bordel.

Mais je dois avoir les cellules grises en veille parce que mon cerveau ne veut rien savoir. Il préfère se fourvoyer dans des pensées tous azimuts, des souvenirs disparates, un peu à la vas-y-que-je-te-pousse. Même Jordan y fait une brève apparition. Très brève, car je m’empresse de l’en chasser vite fait, bien fait.

Mais vous voyez à quel point je suis nase ? Parce que Jordan ! Franchement !

***

De guerre lasse, je me relève deux heures plus tard. Quand ça ne veut pas, ça ne veut pas. 

J’ouvre les épais rideaux. Les premiers rayons de soleil tâtent le pays, hésitants, comme pour voir si le matin est mûr. Le grand parking vide sous ma fenêtre reste dans la pénombre. Un homme solitaire en pantalon noir et chemise blanche fume une cigarette sur la passerelle. Derrière lui, j’aperçois une berge pentue à la pelouse cramée. Plus haut, palmiers et bougainvillées camouflent la route par laquelle nous sommes arrivés.

Je saute sous la douche en grommelant. Je ne suis pas du matin. Du tout. Et je ne suis pas bateau. 

Je me rhabille ensuite. Un short, une chemisette hawaïenne, des tongs. 

Avec mes doigts, je tente d’apprivoiser mes boucles. Peine perdue, bien sûr ; elles ne font jamais ce que je leur demande. Je finis par les rassembler en chignon à l’arrière de la tête. Tiens, ça vous apprendra. Avant de partir, je chope aussi mes affaires – lunettes de soleil, portable, bloc-notes et crayon. 

Je sors de la cabine et me mets en mode découverte. On dirait un gamin le premier jour de ses vacances d’été à Perpète-lès-oies. Ce qui n’a rien d’aberrant. Parce que vacances, bien sûr. Et parce que Perpète-lès-oies. Pour moi, en tout cas. Aller voir des vieilles pierres avec des vieilles peaux, merci du cadeau. Puis, malgré mon passeport qui prouve le contraire, je n’ai pas l’impression de pouvoir me prévaloir du qualificatif “adulte”. Pas souvent, en tout cas. 

L’épais tapis rouge du couloir absorbe le bruit de mes pas. Quelques appliques murales en forme de bougeoirs jettent une lumière blafarde.

Juste avant l’escalier principal qui dessert tous les ponts, je tombe sur une porte battante. Elle mène à l’Amon-Rê Sun Deck. Le pont supérieur, sous une dénomination d’une originalité folle. 

Je pousse la porte. Et PLAF ! La chaleur ! La vache, il fait chaud ! Manquait plus que ça. Bien sûr, dans ce pays, au mois de juin, j’aurais peut-être dû m’y attendre. Mais le bateau est tellement sur-climatisé que j’ai oublié ce détail. 

Un étroit escalier monte en colimaçon devant moi. Je défais tous les boutons de ma chemisette avant d’attaquer les marches.

Le pont supérieur est désert. Soulagement. Les vieux, ça sera pour plus tard. Des oiseaux piaillent mollement dans les arbres de la berge, les eaux du fleuve clapotent contre la coque du bateau. En face de l’escalier, j’aperçois un bar, encore drapé dans des ombres énigmatiques. À ma droite dorment des tables et des chaises, à ma gauche, quatre longues rangées de transats. Des deux côtés, des bâches parasol sont tendues au-dessus du pont. 

Bien sûr, je ne reste pas seul pour longtemps. Ce serait trop beau. Je suis encore en train de savourer le silence quand j’entends un bruit derrière moi.

Je me retourne.

En bas de l’escalier apparaît un homme d’une trentaine d’années. Il est maigre au point de paraître rachitique et porte des survêtements. Roses, s’il vous plaît. Chic, la couleur – on ne donne pas assez sa chance au rose. Le bonhomme lève un visage de petit souriceau vers moi : un peu gris, un peu craintif, un peu fouineur. Ses cheveux fins lui pendent tristement jusqu’aux épaules, comme des vermicelles mous.

Nous nous dévisageons un instant, moi d’en haut, lui d’en bas. Finalement, nous nous sourions – la politesse l’exige –, et l’homme se met à gravir les marches.

Je n’ai pas envie d’échanger les fadaises de circonstance, alors j’avance jusqu’au bastingage de l’autre côté du pont.

Et enfin, la vue se dévoile.

Putain !

J’avoue, je prends une claque, quand même. Devant moi, en-dessous de moi, à droite, à gauche : le Nil.

S’il vous plaît ! Le PUTAIN de NIL ! 

Son bleu cobalt s’étend jusqu’à la rive opposée et coule langoureusement vers la mer lointaine dans un mouvement à peine perceptible. Le soleil levant teinte ses eaux de jaune orangé et met en relief les maisons basses en terre crue amassées tout le long du littoral. On dirait des blocs rectangulaires, empilés par endroits sur deux, trois étages. Les ombres dessinent de longues formes strictes sur les murs. Par-ci, par-là, des bâtiments blancs ou jaunes se détachent de cette agglutination de cubes : des mosquées. Les fins minarets qui les surplombent pointent fièrement vers le ciel. Le vert poussiéreux de quelques arbres et palmiers égaie un tant soit peu ce labyrinthe brunâtre. Derrière la ville, la brume de chaleur matinale enveloppe une chaîne de montagnes austères, rocheuses, désertiques, qui donne un air encore plus chimérique à ce paysage.

Je me laisse tomber sur une chaise et prends une profonde respiration, cueilli comme un bleu, malgré moi.

C’est l’Égypte. L’Égypte, là, devant mes yeux. 

Pu-tain. J’ai déjà vu des documentaires et des photos ; j’ai même voyagé au Maroc et en Tunisie. Mais tout ça n’est rien comparé à ce que je vois là – et ce que je vois là ressemble à un rêve sorti tout droit des contes des Mille et Une Nuits.

Quand je pense à mon manque d’enthousiasme lorsque Tata m’a dit : “Devine où je t’emmène en juin ? En ÉGYPTE !” Au lieu de dire : “Merci, Tata, t’es la meilleure Tata du monde”, j’ai fait la moue, imbécile ingrat que je suis. J’ai d’ailleurs continué à faire la moue – discrètement, j’entends – jusqu’il y a une minute. Heureusement qu’il faut plus pour l’impressionner, ma Tata.

Je soupire d’aise. Les flots coulent lentement de gauche à droite, des reflets argentés dansent sur la surface. Deux vieux hommes enturbannés aux visages burinés passent au loin, à la dérive sur le fleuve, un filet de pêche traînant derrière leur barque. Leurs jalabiyas d’un blanc douteux flottent dans la petite brise matinale. 

Ils me saluent d’un signe de la main et rient avec le naturel des gens qui n’ont rien mais qui sont parfaitement heureux.

***

Je reste longtemps scotché sur ma chaise pendant que la jeune journée éclot. Mon regard erre par-ci, divague par-là. Je me sens à la fois émerveillé et expectatif, comme un explorateur d’antan qui se demande quelles aventures l’attendent dans les jours qui viennent.

Quand je réussis à détourner le regard, j’aperçois l’homme en survêts roses. Il prend des photos à la poupe du bateau.

Je sors mon portable à mon tour et photographie le panorama. Le fleuve légendaire, les pêcheurs, les bateaux de croisière amarrés devant et derrière le nôtre, la rive d’en face. Les montagnes. Le ciel bleu pâle. 

Puis, je dégaine bloc-notes et crayon. Je remplis trois pages de ma façon rapide et concise. Mes croquis restent fragmentaires, comme d’habitude, mais j’ai l’impression d’avoir capté l’essentiel. 

Après avoir tout rangé dans les poches de mon short, je me relève. Le souriceau rose traîne toujours à la poupe. Je me dirige donc vers la proue. À cette heure-ci, elle doit être vide.

Mais ce n’est pas le cas. Bien ma veine, ça. En approchant, je découvre un jeune homme accoudé au parapet.

D’où il sort, celui-là ? Il a dormi sur place ou quoi ?

Je scrute ses cheveux noirs, très courts derrière et sur les côtés, plus longs sur le dessus, coupés à la hipster. Sous son T-Shirt blanc, je devine une belle musculature. De son short sortent deux jambes bien galbées, bronzées et recouvertes de poils, que le soleil du matin transforme en fins fils dorés.

Au moins, il est agréable à regarder. De derrière.

Le jeune homme entend mon approche à pas feutrés ou sent mon regard. Il se retourne. 

Hel-lo, toi ! Mon cœur fait un salto arrière. J’en vois, des beaux mecs, dans mon boulot. Mais celui-ci est un spécimen de catégorie supérieure. Il a un visage de mannequin, carrément. Genre, le mec irréel qui sort tout droit des pages de Vogue Homme ou GQ. Traits virils, bouche sensuelle. Menton carré, nez romain, barbe de trois jours taillée au cordeau. Le front est dégagé, les cheveux, denses et coiffés vers l’arrière, tombent derrière l’oreille en une vague nonchalante, comme si ce mouvement leur était naturel.

Hélas, mon enthousiasme immédiat n’est pas partagé. Du tout. Au contraire, le type réagit comme s’il voyait un monstre. Heureusement que le bastingage dans son dos l’en empêche, car sinon il reculerait et plongerait carrément dans le Nil. 

Ça fait du bien à l’amour-propre.

Le bellâtre se reprend au dernier moment et me scrute de la tête aux pieds. Son regard froid s’arrête sur mon torse nu, et il fronce les sourcils drus mais parfaitement bien dessinés. Je remarque que tout son langage corporel exhale une distance et une aversion à peine dissimulées.

En dépit de son hostilité, je murmure : “Bonjour”. Un peu fraîchement, peut-être, mais quand même. J’ai été élevé comme ça. Oui, j’ajoute “Connard !” dans ma tête, parce que, allô, quoi.

Le jeune homme répond par un hochement de tête. Une mèche noire lui tombe sur les yeux, il la remet en place. Il semble hésiter, puis me tourne le dos à nouveau.

Okay, connard. Vas-y, patauge dans ton jus de boudin, je m’en fous. Je n’ai pas besoin de zommes, qu’ils soient beaux ou moches.

***

Au bout d’une demi-heure, le soleil a entamé sa course à travers le ciel immaculé pour de bon ; la chaleur monte. Le hipster slash connard boude toujours dans son coin quand je me retire sur un transat ombragé. Notre rencontre a été peu plaisante, mais lui et le mec en rose déjouent mon pronostic initial, et c’est déjà ça. Nous sommes au moins trois sur ce bateau à contempler les soixante ans du côté gamin.

Du revers de la main, j’essuie la sueur qui ruisselle sur mon torse et détrempe mes poils. Je constate qu’il fait soif. Tout à l’heure, j’ai mis une bouteille d’eau dans le frigo de ma cabine. Tiens, je vais aller la chercher. Il faut s’hydrater, comme dirait Tata. Elle parle plutôt d’apéro, d’accord, mais ça n’en fait pas une contre-vérité pour autant.

L’homme en rose, lui aussi, en a assez vu, apparemment. Quand j’arrive en haut de l’escalier, il est en train de le descendre. 

Il m’attend en bas et me tient la porte.

“Merci”, dis-je poliment.

“C’est beau, n’est-ce pas ?” remarque-t-il d’un ton affable. 

Je lève la tête, surpris. Sa voix, d’un beau timbre grave, ne colle pas avec son physique chétif et sa petite tête de souris. Il fait un geste maniéré de la main. “Le paysage, je veux dire. Les lumières.”

Automatiquement, je pense : Ah. Une copine. “Très beau, oui”, répliqué-je. “Louxor, j’adore !”

Il ricane.

Nous pénétrons dans le couloir. Une porte claque doucement devant nous. Dans la cabine en face de l’escalier, on s’agite déjà. J’entends une femme dire : “… je crois qu’il a compris. Il t’emmerdera plus, gazou.”

Ha ! Gazou ! Je souris. Je n’aimerais pas qu’on m’appelle gazou, franchement.

Nous passons devant d’autres cabines, desquelles sort vaguement le bruit de conversations, pas plus que des murmures, ainsi que le ruissellement des douches. Le bateau est en train de se réveiller. Une bonne odeur imprègne le couloir, un parfum pour hommes, boisé, cuiré, que j’ai l’impression de connaître. Le souriceau rose devant moi a dû s’asperger d’un flacon entier.

À quelques portes de la mienne, le jeune homme s’arrête. “À tout à l’heure, au petit déjeuner”, dit-il, détendu. 

“À tout à l’heure”, répliqué-je. En le dépassant, je hume une odeur prononcée d’agrumes, très fraîche, très piquante. Ah. Le cuiré, ce n’est pas lui… 

Il tourne la clé et ouvre la porte. “Mon chéri – ça y est, t’es réveillé ?” demande-t-il avant d’entrer. La porte se referme derrière lui.

Je ne me suis pas trompé. Mon chéri, non pas ma chérie. C’est une copine. Je note que je ne suis pas le seul homo, sur ce bateau.

Je parcours les derniers mètres tout en fouillant dans les poches de mon short. Alors… portable… crayon… bloc-notes… Voyons voir. Qu’est-ce que j’ai foutu de mes clés ? Est-ce que je les ai prises ? Merde – je ne me suis quand même pas enfermé dehors… !

Et là –

Soudain –

***

Un cri strident. “AAAAAAAAAAHHHHHHH !”

Je sursaute, fais volte-face, contemple le couloir vide. C’était quoi ? C’était qui ? C’était où ? Qu’est-ce qu’on fait ?

“MON DIEU ! MICHEL !”

Michel ? 

Un mauvais pressentiment me noue les tripes.

***

La suite à découvrir le 30 avril…

Mon nouveau roman…

EURÊKA!!!! Bonne, que dis-je: excellente nouvelle! Je viens d’écrire les mots The End, clôturant ainsi mon nouveau roman en français! Bien sûr, ceci n’est pas encore la fin de l’aventure. Il reste la relecture, les corrections, le retour de mon premier lecteur (à domicile), la rédaction du synopsis, la finalisation de la couverture et la mise en page. Mais surveillez cet espace, parce que bientôt, je pourrai annoncer la publication de ce nouvel opus avant de me mettre à la traduction en anglais et en allemand (je n’a donc pas fini avec ce bouquin).

Je peux d’ores et déjà révéler qu’il s’agit d’un polar, que l’intrigue se déroule sur un bateau de croisière sur le Nil et que je présenterai deux nouveaux protagonistes, que vous aimerez certainement. Ils m’ont accompagné ces sept derniers mois pratiquement sans interruption, ont exigé que je m’occupe d’eux, que je les bichonne, que je cède à leurs caprices, que je les habille en mots et paragraphes. Voilà qui est fait. Je suis content, mieux: je suis heureux.